Philippine d’Otreppe est une artiste belge qui exerce aujourd’hui à Bruxelles. Sa pratique oscille entre le dessin, la peinture et la céramique. Elle retranscrit des moments dont elle est à la fois la spectatrice et l’actrice. De la richesse d’un repas entre amis au joyeux capharnaüm de la place du Jeu de Balle, Philippine immortalise des moments généreux ponctués d’une certaine poésie. 

Rendez-vous à l'Étoile Verte

Philippine d’Otreppe me reçoit dans son atelier dans les Marolles. “L’étoile Verte”, le bâtiment Art Déco qui abrite celui-ci, a pignon sur rue et attire le regard des passants qui s’arrêtent fréquemment pour regarder l’activité qui s’y déroule. En effet, l’atelier est surplombé d’une grande vitrine qui donne sur la rue. Ça a des airs de happening et je me sens observée tandis que je photographie Philippine près de la fenêtre pour profiter du peu de lumière que nous offre le mois de janvier. 

Dans son atelier, Philippine exerce seulement une partie de sa pratique : la céramique. C’est ici qu’elle a son four et les matériaux nécessaires à leur réalisation. Elle y organise aussi des expositions en collaboration avec d’autres artistes et créateurs du quartier.

Quant à ses peintures, un autre axe de sa pratique artistique, elles seront réalisées souvent sur le lieu de son inspiration. 

« Pour peindre, j’ai besoin de lumière et je n’aime pas le regard des passants. Quand je peins, j’ai besoin d’aller dans un endroit très intime où il n’y a pas de passage. »

Figer le temps : le confinement

Philippine passe une grande partie du confinement dans le sud de la Belgique dans la maison de son enfance. Comme un arrêt dans le temps, c’est dans le jardin qu’elle puise la majeure partie de son inspiration. Elle peint les capucines de sa mère en pleine éclosion et la nature sujette à ses transformations saisonnières – en août, les tons mauves, les chardons au bord de la mare de chez ses parents, en juin, la fragilité des brins d’herbe avec des traits fins et brefs. 

“J’essaie de capturer des moments assez particuliers du printemps et de l’été. Comme pour la plupart de mes toiles, il y a toujours une saison ou un moment de l’année qui est représenté.”

Elle y représente des petites anecdotes également, qu’elle me raconte avec tendresse : 

“Celle-là, je l’ai peinte à Bruxelles. C’est une histoire assez amusante. C’est un pigeon voyageur qui a atterri un jour dans mon jardin. Il venait de Hollande. Et il n’est pas reparti. Il était apprivoisé. Je l’ai pris dans mes mains et il a sauté sur la table. Je l’ai envoyé trois fois dans le ciel et il revenait à chaque fois vers moi. Il s’est reposé quelque temps chez nous et puis il est reparti terminer sa mission.”

“J’essaie de capturer des moments assez particuliers du printemps et de l’été. Comme pour la plupart de mes toiles, il y a toujours une saison ou un moment de l’année qui est représenté.”

Artichaut, homard et Angleterre

Philippine étudie l’illustration à l’Université des Arts de Bournemouth en Angleterre pendant 4 ans, durant laquelle elle développe sa technique et sa passion. A son retour en Belgique, elle apprend la céramique, qu’elle pratique dans l’atelier privé d’une céramiste. Elle développe sa pratique en autodidacte et partage ensuite un atelier avec d’autres amis : l’Artichaut, un lieu sensiblement similaire à celui qu’elle occupe aujourd’hui où se tenaient régulièrement des expositions. En parallèle, elle répond à des commandes de client pour des illustrations d’observation et se lance dans la peinture sur toile. 

« Pour peindre, j’ai besoin de lumière et je n’aime pas le regard des passants. Quand je peins, j’ai besoin d’aller dans un endroit très intime où il n’y a pas de passage. »

Aujourd’hui, Philippine s’exprime à travers ces différents médias pour peindre un quotidien qui l’émeut. Elle peint des tables, dont on voit une nappe qui évoque le pique-nique et le soleil, et crée des aliments en céramique comme si un repas entre amis avait été figé dans le temps. Ce sont des scènes de partage, inspirées de voyages et de moment du quotidien. Des moments qui évoquent une certaine nostalgie, sans toutefois se prendre trop au sérieux (une caractéristique très bruxelloise que personne ne peut aujourd’hui ignorer). 

“Le partage est une notion qui m’est hyper importante. C’est une valeur que j’aime énormément. A la maison on fait des tablées, on a envie d’avoir une belle table, des beaux objets, des plats qui sont réconfortants, joyeux, qui donnent envie. C’est ce que je veux représenter dans mon travail – des tablées généreuses, des aliments joyeux avec une sorte de rondeur et un peu d’humour par-ci par-là.”

"Café des nattes de Sidi Bou Saïd", 2021, 42 x 60 cm watercolour, gouache and pastel on paper

Se balader à travers ses yeux

Durant une résidence à Tunis en 2021, elle “transporte le spectateur en Tunisie avec un sensible équilibre entre les médiums : aquarelles, crayons, pastels, gouaches”. A travers le dessin d’observation, elle nous tient par la main à travers les rues, les bruits, les sons et les odeurs des rues dans lesquelles elle se balade. 

“Mes dessins s’attachent à retranscrire l’authenticité d’un lieu, le charme d’un pays et mes échanges avec les passants. Je suis si souvent confrontée à un regard intrigué qui ouvre la porte à la conversation et au partage”. 

“Mes dessins s’attachent à retranscrire l’authenticité d’un lieu, le charme d’un pays et mes échanges avec les passants. Je suis si souvent confrontée à un regard intrigué qui ouvre la porte à la conversation et au partage”. 

"les citrons de Hamza", 2021, 60 x 42 cm watercolour and crayon on paper

Humour et finesse

La finesse du trait, la poésie et l’humour évident qui se dégagent du travail de Philippine sont les raisons simples qui m’ont attiré vers elle. Je lui ai tiré le portrait devant ses toiles et c’était comme si elle, devant les fleurs du jardin de ses parents, se fondait dans le décor avec une évidence telle qu’on ne pouvait pas questionner qu’elle y avait vécu. 

Découvrez le travail de Philippine sur son site internet.

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